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Publié le 19 Fév 2024

Prendre en charge les enfants pour garantir l’autonomie financière des femmes

Forte d’une longue expérience de 23 ans de présence sur le terrain, l’association « Oum El Banine » (la mère des enfants) conduit un projet à fort impact social sur les bénéficiaires dans le cadre de PRIM. Le projet « Tamkine (empowerment) des femmes migrantes et leurs enfants » vise à réduire la vulnérabilité des femmes migrantes et leurs enfants en améliorant leurs accès à l’éducation, à la formation professionnelle, à la justice et à la santé.

Engagée depuis des années dans la région d’Agadir dans l’appui aux femmes en situation de vulnérabilité économique, l’association a développé une approche d’appui à l’autonomisation économique des femmes assez particulière. C’est à travers un sens d’écoute et d’observation aigu qu’elle a mis en place très tôt dans les années 2000, un projet de crèche pour prendre en charge les enfants des femmes ouvrières dans le quartier industriel de la ville d’Agadir. C’était la première crèche au Maroc qui travaillait 24/24.

« Le besoin d’une prise en charge des enfants des femmes qui travaillent s’est senti dès le lendemain du tremblement de terre qui a frappé Agadir en 1960. Beaucoup de femmes ont dû sortir travailler en raison de la perte de parents ou de maris qui assuraient leur prise en charge économique. Souss Massa est également une région qui draine une main d’œuvre féminine de différentes régions du Maroc qui vient travailler de manière saisonnière dans les fermes. Nous avons pris conscience très tôt que la garantie de l’autonomie financière des femmes passe indubitablement par la prise en charge de leurs enfants, notamment celles qui n’ont pas les moyens de payer les crèches privées » explique Mme Jamila Ait Blal, présidente de l’association.

Cette situation de vulnérabilité s’applique aussi sur les femmes migrantes qui, en arrivant au Maroc, ont besoin d’une intégration économique en s’engagent sur le marché du travail, mais se retrouvent handicapées par le manque de ressources financières pour la prise en charge de leurs enfants durant leurs journées de travail. « Ces femmes sont arrivées à l’association en ayant l’information de bouche à oreille, ceci prouve que nous sommes presque seules sur le terrain et qu’il y a un grand besoin » ajoute la présidente de l’association.

Elles sont 15 femmes migrantes venues essentiellement du Sénégal, à bénéficier du programme de l’Association qui s’articule autour de 3 niveaux d’intervention complémentaires : la prévention, la protection et l’empowerment des femmes pour davantage d’autonomisation économique.

La prévention des IST : un accès à la santé

La protection des femmes migrantes passe d’abord par la prévention d’un certain nombre de maladies. C’est dans ce sens que « Oum El Banine » a organisé, le 27 septembre 2023 au siège de l’association, une séance de sensibilisation sur la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et du VIH- Sida.

La journée à laquelle ont pris part une 15 de femmes migrantes a été animée par Dr Oussaden Abdelaziz et M. Mohamed Tamra. Elle a permis aux bénéficiaires d’exprimer leurs attentes et de connaitre les modes de transmission, de prévention et de protection des IST.

L’association a également organisé, le 16 octobre 2023, une campagne de dépistage de cancer dans son siège avec l’appui du centre de santé du quartier pour ces mêmes bénéficiaires. Des actions pour lesquelles les bénéficiaires n’hésitent pas à exprimer leur reconnaissance. « Saraha (en vérité), ils nous ont pris en charge totalement, ils nous donnent même des habits et des vivres » s’exprime Fattoumata, une sénégalaise de 42 ans qui est arrivée au Maroc, directement à Agadir, en 2018 avec deux jumeaux Mohamed et Khadija.

La protection des enfants

Prendre en charge les enfants de bénéficiaires afin de leur permettre de gagner leur vie, est le deuxième niveau d’intervention du projet Tamkine. « Nous accueillons les enfants jusqu’ à l’âge de 5 ans et faisons également le suivi à l’école publique.  Même étant à l’école ils viennent bénéficier de la cantine et on les accueille pendant les vacances pour des activités récréatives notamment les mercredis et samedis » explique la présidente de l’association.

« Avec le corona, il n’y avait pas de travail. Tout ce que je gagnais je le mettais pour les enfants. J’ai entendu parler de l’association à travers des femmes dans le Souk. Cela a changé ma vie, j’en suis très reconnaissante », indique Fattoumata.

 

Aminata est arrivée en 2020 pour rejoindre son mari arrivé en 2014 étudier le droit à la faculté d’Agadir. « J’ai une petite fille qui s’appelle Awa. Je suis aide maitresse dans une crèche marocaine dans le quartier Salam. Je fais des activités avec les enfants. La crèche a besoin de quelqu’un qui parle le français avec les enfants, mais ils ne paient pas. J’ai la chance de travailler à côté de « Oum El Banine ». Mon mari travaille dans une boutique et ma fille est à la crèche de l’association depuis l’âge de trois mois. Cela fait, maintenant, une année. Cela m’a aidé à chercher du travail car je n’ai pas les moyens de payer une crèche pour Awa » explique-t-elle. 

L’empowerment : Connaissance des droits, accompagnement et formation

Convaincues que leur intégration passe par leur indépendance économique, ces femmes ont exprimé le besoin urgent de trois formations, à travers un formulaire distribué par l’association. Une formation en langue anglaise, une en pâtisserie et une en coiffure/esthétique. L’association a d’abord commencé par les cours d’anglais pour lesquels elle avait du mal à gagner l’engagement des femmes au départ. « Aujourd’hui, elles arrivent toutes à suivre les cours, organisés 4 fois par mois, les lundis après-midi, journée où le souk ferme, car la plupart des femmes travaillent dans le souk de la ville d’Agadir (Souk El Had) » explique M Tamra Mohamed, volontaire à l’association.

« Je suis les cours d’anglais, parce que j’en ai besoin dans l’exercice de mon travail. Ça me donnera un élan dans ma vie professionnelle et personnelle. Afin de pouvoir parler avec mes enfants dans le futur. Cette langue leur ouvrira plusieurs perspectives. » s’exprime Fatoumata.

Clara ajoute tout sourire : « I have many friends who speak English and i need that my daughter speaks English too » (j’ai beaucoup d’amies qui parlent français et j’ai besoin que ma fille parle anglais également).

« Moi, je suis les cours d’anglais, pour les besoins de ma vie quotidienne et professionnelle. Ça m’aidera à vendre mes gâteaux et j’aimerai bien consolider cela avec une formation de pâtisserie » ajoute Déguene.

En plus des formations, l’Association Oum El Banine a organisé, le 31 juillet 2023, une rencontre de sensibilisation au profit des femmes migrantes en provenance des pays d’Afrique subsaharienne sur le thème « Femmes migrantes et droits de l’Homme ».

Dans l’objectif de sensibiliser ces dernières à leur droits (éducation, santé, formation justice et administration), la rencontre a permis d’introduire le cadre juridique des droits des migrant-e-s. La rencontre a également permis de soulever certaines difficultés administratives et pratiques auxquelles les migrantes et migrants sont confrontées dans l’exercice de leurs droits et les moyens de recours et d’accompagnement par les acteurs.

Coiffeuse, couturière, aide maitresse ou pâtissière, ces femmes ne manquent pas d’ambition pour elles-mêmes et pour leurs enfants. « Elles ont le sens de l’engagement. Ces femmes ne lâchent pas le morceau.  C’est notre motivation pour continuer en voyant un impact immédiat dans leur vies.» explique Jamila la présidente de l’association.