Ils sont plus de 7000 Ressortissant-e-s des pays Tiers (RTP) venu-e-s du Sénégal, de la Côte d’ivoire, de la Guinée, du Mali et du Soudan à avoir élu domicile dans la province de Chtouka Ait Baha, dans la région du Souss Massa. Attirés par les opportunités de travail qu’offrent les fermes agricoles sur place, notamment dans la commune de Belfaa, ces ‘nouveaux habitants’ comme on les appelle à la commune, sont une réalité sociale que les élus locaux n’ont pas tardé à prendre en charge.
M.Hassan Chaitou, chargé du BAOM accueillant deux migrant.e.s
C’est dans un bureau de 20m2 que le vice-président de la commune de Belfaa M. Said Lasri nous accueille accompagné de Hassan Chaitou, chargé du Bureau d’Accueil et d’Orientation des Migrant-e-s (BAOM). Tous les deux munis de plusieurs documents pour nous présenter une expérience dont ils se sentent particulièrement fiers : la création du BAOM mais aussi la proximité et le dialogue qu’ils ont pu construire avec les migrant-e-s qu’ils appellent officiellement ‘les nouveaux habitants’.
C’est en juin 2022, suite à la signature de la convention entre la commune de Belfaa et l’Organisation de Solidarité Internationale ‘Migration & Développement’ qu’une décision interne signée par le président de la commune a portée à la création du BAOM. Se basant notamment sur les engagements internationaux du Royaume, les dispositions constitutionnelles, la stratégie nationale de migration et d’asile (SNIA), la stratégie nationale des Marocain-e-s résident-e-s à l’étranger (SNMRE), les discours royaux et la loi organique relative aux collectivités territoriales, la commune a désigné le responsable de service des affaires culturelles sociales et de l’action associative comme structure administrative qui intègre le BAOM et lui a confié le suivi de la mise en œuvre territoriale des deux stratégies nationales. Pour assurer son bon fonctionnement, le BAOM s’est même doté d’une charte qui rappelle le cadre référentiel, définit les objectifs, les missions, les services, la cible, les engagements du responsable du BAOM ainsi que l’évaluation et suivi des activités de ces derniers.
Une vraie politique de proximité…
« Le bureau est ouvert selon les horaires administratifs, mains nous intervenons auprès des populations 7/24, quand ils nous appellent ou bien quand il y a un problème avec la population » explique le vice-président de la commune. « Sur la question migratoire nous travaillons avec plusieurs partenaires nationaux et internationaux, nous privilégions notamment l’approche culturelle et associative pour organiser plusieurs activités avec les Ressortissant-e-s des pays tiers (RPT) qui viennent essentiellement du Sénégal, de la Guinée, du Mali, et de la Côte d’Ivoire. Ils arrivent de partout cherchant un travail et cherchant à s’installer dans un lieu où la vie n’est pas chère. » ajoute-t-il
« En une année, nous avons accueilli une vingtaine de demandes de Marocain-e-s Résident-e-s à l’Etranger (MRE) et de RTP. La majorité des demandes viennent des RTP qui sollicitent l’intervention de la commune auprès des services déconcentrés ou bien auprès des habitants. C’est le cas de Fanta K., ouvrière saisonnière arrivée de Guinée, qui a souhaitée un appui pour inscrire sa fille à l’école publique à Belfaa. Sa fille Zara est la première RTP à Belfaa à avoir donné vie à la circulaire du Ministère de l’éducation nationale suite à l’adoption de la SNIA, grâce à notre intervention » développe M. Chaitou responsable du BAOM.
M. Lasri explique qu’il est appelé également par les citoyens pour intervenir en cas de conflit avec les RTP, il donne l’exemple d’un propriétaire qui loue à ‘un nouvel habitant’ qui a eu une facture d’électricité très salée (généralement la facture de l’électricité est payée par le propriétaire) et qui a demandé d’intervenir pour réduire l’usage d’un certain nombre de matériel électroménager qui consomme beaucoup d’énergie.
Il fait bon vivre à Belfaa...
Mamadou Idrissa Balde qui vient de la Guinée Conakry et Dialo Algassim du Sénégal ont rejoint notre réunion au BAOM pour témoigner de cette nouvelle dynamique locale de vivre ensemble. Tous les deux diplômés, le premier détenant un Master en business et le deuxième un diplôme en énergies renouvelables, ils ont fait le choix de venir à Belfaa qui a la réputation d’une population chaleureuse et accueillante mais surtout où ils ont pu trouver un travail dès le lendemain de leur arrivée. Ces derniers sont derrière l’organisation du premier ‘Tournoi de la Fraternité Africaine’. Un évènement sportif, organisé par la commune, qui rassemble des équipes de football de la population locale et des ‘nouveaux habitants’. La finale de ce tournoi toujours en cours aura lieu le 18 mars prochain.
Mamadou nous explique qu’il est venu au Maroc pour intégrer l’Académie de Barcelone de football à Casablanca. Il n’a malheureusement pas pu partir en Europe pour réaliser son rêve de footballeur.
En écoutant les histoires de Mamadou et Dialo, Jean Philippe Eke, de la Côte d’Ivoire, nous rejoint le sourire aux lèvres. « C’est l’animateur principal du spectacle AFRIKANYA organisé dans le cadre de la 3ème édition du Salon multiculturel organisé par la commune sur le thème ‘Belfaa accueil l’Afrique’, un vrai percussionniste » s’exclame Hassan Chaitou.
Jean Philippe nous explique que ça fait quatre ans qu’il est au Maroc, deux ans à Belfaa, qu’il a trouvé du travail, dès le troisième jour de son arrivée et combien il est fier de contribuer aux activités organisées par la commune et rappelle le rôle des présidents des communautés africaines qui orientent vers l’existence du BAOM et de ses services.
Une feuille de route communale pour la dimension migration
Cette dynamique culturelle est juste une partie de toute une feuille de route dessinée par la commune. Appelée ‘Feuille de route pour l’intégration de la dimension migratoire dans le Plan d’Action communale (PAC) de Belfaa (2022-2028)’, 21 projets concernant différents secteurs (éducation, formation professionnelle et artisanat, sport, culture, santé et protection sociale, concertation publique, appui des associations, etc.) y sont programmés. Un portefeuille budgétaire estimé à plus d’un million de dirham dont plusieurs activités sont prévues par les associations locales, des acteurs de la coopération internationale et le BAOM lui-même. Des activités qui prévoient une étroite coopération avec les services déconcentrés de la région du Souss Massa.
Cet échange chaleureux entre ‘les nouveaux habitants’ et les représentant-e-s de la commune donne une ambiance familiale à notre réunion, ils se parlent avec les mêmes repères des activités et des évènements dans la confiance et le respect mutuel. « Nous sommes heureux de pouvoir conduire cette expérience, et d’enrichir la dynamique de la régionalisation de la politique migratoire. Néanmoins, il y a des défis à surmonter, notamment la question de la coordination régionale de la question migratoire qui est très importante, car c’est une question qui sollicite plusieurs intervenants du territoire. Nous avons, dans ce sens, introduit dans notre règlement intérieur de la commune la création d’un espace de concertation concernant la migration » explique le vice-président de la commune.
« D’un autre côté, nous avons également besoin de renforcer notre capacité de développer des coopérations et surement avec le temps s’imposera la question de développer nos propres compétences en la matière », conclut Hassan Chaitou.
L’expérience du BAOM de Belfaa est une parmi 16 autres installés dans la région du Souss Massa dont la création a été actée par une signature de convention entre l’association ‘Migration & Développement’ et les collectivités territoriales. Couvrant différentes réalités migratoires des femmes et des hommes MRE ou RTP, ces bureaux sont un vrai laboratoire de la régionalisation de la politique migratoire dont les premiers résultats peuvent être probants pour consolider la dimension migratoire dans le grand chantier de la régionalisation avancée, notamment dans le Souss Massa.
Les BAOM : des espaces d’accueil des migrants dans le Souss Massa
Conformément à sa philosophie d’être à l’écoute des besoins des acteurs du terrain et dans l’esprit de pérenniser les expériences et les initiatives relatives à la question migratoire, PRIM appui ‘Migrations & Développement’ qui a signé des conventions avec 16 communes de la région du Souss Massa pour la consolidation et la création de nouveaux dispositifs des BAOMs chargés de la migration et des migrants. Il s’agit en l’occurrence de 5 provinces de la région de Souss Massa couvertes et de 16 Collectivités Territoriales (CT). 13 conventions portant création des BAOM, notamment : CT Agadir, CT Tiznit, CT Arbaa Rasmouka, CT Sidi Bouabdelli, CT Ait Amira, CT Massa, CT Sidi Bibi, CT Belfaa, CT El Qliia, CT Ait Melloul, CT Argana, CT Taroudant et CT Nihit ; et deux conventions portant renforcement des BAOM déjà existants à savoir : CT Taliouine, CT Ammelne et CT Arbaa Sahel.
Les services du BAOM sont considérés comme une compétence de proximité de la collectivité locale conformément à ce qui est indiquée dans la loi organique 113-14 relatives aux communes. Ils leur sont attribués en vertus des conventions signées les missions suivantes :
- – L’accueil et l’information des migrant-e-s y compris les Ressortissant-e-s des Pays Tiers (RPT) : écoute active, recueil des besoins et des attentes, clarification, analyse, évaluation des contenus des dossiers et reformulation si nécessaire.
- – L’orientation des migrant-e-s vers les services adéquats en fonction de leurs demandes (prise de contact avec les organismes concernés, retour des informations, mise à jour, suivi de la situation, identification de nouveaux services).
- – Et la facilitation de la contribution des Migrants, notamment les MRE, dans le développement de leurs territoires d’origine, et la Favorisation des parcours d’intégration pour les nouveaux habitants sous l’angle de la migration et le développement.